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  • Photo du rédacteurLa plume est l'oiseau

Pour que les mots reviennent à la vie (1/3)

Je m’emparai de ma baguette magique, prête à traduire mes visions sur le papyrus. Je me réveillai. Devant moi s’étendait un paysage rosé, inondé d’une lumière crépusculaire. La formule que j’avais perçu dans mon rêve se dissout comme si elle eut été balayée d’un battement de cils. Je restais là, interdite. Lentement, la déception se noircit en colère. Dans mon esprit flottaient encore les fragrances de ce Monde si proche de moi, intérieur et intangible. Le rythme mélodieux de la poésie alexandrine ricochait dans ma tête.

Dans la nuit, tout paraît plus limpide. Plongé dans les profondeurs du subconscient, chaque neurone se met à vibrer différemment. Lentement, mon âme glisse hors de ma peau. L’illusion temporelle se désagrège, la matière s’effrite dans l’immatière, chaque sens s’éveille. Les forces terrestres n’ont plus d’ascendant sur les forces du rêve. Les lettres apparaissaient librement à mon regard.


Je priai le divin Morphée de me rendre le précieux grimoire, mais il semblait sourd à mes souhaits. Je me lançai alors dans une quête insensée : retrouver ce texte sacré qui n’était plus que cendres désormais. Je retombai lourdement dans la réalité et retrouvai les piètres capacités humaines. Je me mis en quête d’une solution. Pour me mener au Royaume de Morphée, deux chemins s’offraient à moi : 1) Étourdir les Gardiens du portail grâce à la chimie et forcer l’entrée. Une telle expérience serait nouvelle pour moi, c’était un raccourci aussi alléchant qu’il s’avérait dangereux. Un faux pas et la chute serait vertigineuse. De plus, le sort nécessitait des ingrédients interdits par les lois qui régissaient mon Monde. 2) Avancer lentement, sur les routes sinueuses et plates, plus sûres, mais au prix de souffrir la pesanteur du temps et des limites de mes connaissances. J’étais forcée de reconstituer les écrits en passant par le chemin hasardeux que la réflexion tracerait. Pourtant, une étincelle en moi brûlait d’emprunter l’autre voie, un passage risqué que ma raison me refusa.

Une ombre scintillait à l’horizon de ce chemin sur lequel avaient été attirés tant d’autres êtres avant moi : des érudits de la Grèce Antique aux génies contemporains en passant par les poètes du XIXe siècle. Je me souviens des théories de Platon et des poèmes de Baudelaire. Je savais les fourbes appas des potions magiques et ne pouvais me résoudre à me laisser attirer par elles. Je choisis donc, bon gré, mal gré, les méandres brumeux qui me mèneraient peut-être aux écrits que je convoitais.


Je rassemblai mes affaires. Dans ma bourse je rangeai un bloc de feuilles vierges, une boîte à musique, une gourde ainsi qu’un flacon contenant un mélange de feuilles de cherimoya, bergamote, pétales de bleuets, roses et fleur de tournesol qui me procurerait un gouteux breuvage. Je sortis mon bâton de marche de son coffre, et, enfin, je réveillai soigneusement mon carnet de bord. Sa couverture de cuir chocolat, munie d’une ceinture à la boucle d’argent paraissait douce à mon regard. Ce cahier est la terre de naissance de tous mes croquis, mon ami de papier. Objet, inerte peut-être, mais amical et sans jugement. Il est mon partenaire d’aventures, il connait tout de moi. Il se révèle aussi être un merveilleux messager. En ce moment-même, c’est avec lui que tu communiques. Il n’est peut-être pas de papier, sa peau gourmande n’est peut-être pas celle que je décris. Changer d’apparence est un autre pouvoir de mon complice. Peut-être se présente-t-il à toi au travers d’un corps froid et métallique surmonté d’un visage plat et lumineux, peut-être incarné dans une simple surface blanche, lisse et souple, sans squelette. Quelle que soit la forme qu’il prend face à toi, tu lui dois cette histoire que tu es en train de découvrir.


Tenant mon ami par la main, je rejoignis la barque qui me déposa peu après sur l’autre rive. L’horizon paraissait claire. Plus je me rapprochais de l’autre côté, plus la fantaisie semblait s’imprimer dans l’atmosphère. Je mis pied sur la plage, à présent bien arrivée dans le si désiré Pays Imaginaire.

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